Ce témoignage est l'un des plus poignants de ceux que j'ai pu recueillir ces derniers jours, a la suite de fréquents déplacements que j'ai faits dans le sud-est asiatique. C'est le récit de Liaya (un pseudonyme), il démontre l'état de frayeur instauré par les militaires birmans (Myanmar) depuis la répression du régime de Rangoon (Yangon) sur les populations et les moines de Birmanie.
Fuir la mort pour entrer en esclavage, cette photo de Liaya a été coupée sous les yeux pour d'évidentes raisons de sécurité, avec son accord. Les 4 autres images viennent de la ville birmane de Kawthaung que Liaya a découverte après sa fuite de l'Etat Kachin ayant parcouru des milliers de kilomètres vers le sud, avec la crainte permanente d'être reprise, torturée, emprisonnée ou assassinée par des militaires ou des trafiquants qui pullulent dans cette partie du monde, impunis.
Liaya était d'un calme extraordinaire lorsqu'elle me parlait, sous une violente pluie de mousson, comme des millions de larmes versées sur ces destins d'infortunes.
"Je m'appelle Liaya, j'ai un peu plus de 20 ans et je vis depuis 15 jours dans le sud de la Thailande après avoir séjourné sur la frontière Birmane. Je suis originaire du Népal que mon grand-père avait fuit en raison de la violence du régime. Et il m'a emmené dans l'Ethnie birmane du Kachin. C'est au Kachin que j'ai grandi, presque normalement. J'ai pu entrer a l'université, a Rangoon, j'y ai appris la physique, mais je ne suis pas très au point, je pense.
Comme des centaines de milliers de réfugiés, Birmans, Népalais, Indiens, et ceux des ethnies du sud de la Chine qui s'étaient retrouvés par hasard ou par malheureuse destinée, je ne pouvais plus supporter la situation épouvantable du régime Birman. Je suis jeune et ma famille m'a dit que je devrais essayer de poursuivre ma route ailleurs. J'ai pensé aller a l'Est de la Birmanie, vers Mae Sod, mais les militaires Thai et Birmans ont des accords secrets pour expulser par "convois", la nuit, des centaines de réfugiés.
J'ai ensuite essayé de m'échapper vers la Chine, mais la aussi, ce n'est pas chose facile pour nous, les militaires chinois ont des amis et du commerce en Birmanie et ne laissent passer que les marchands ou des paysans, les marchands de drogue. On me disait aussi le danger d'être pris par les kidnappeurs de filles et d'enfants. Alors j'ai pris la route du sud, et je me suis retrouveée a Kawthaung au sud de la Birmanie, a un bras de mer de la ville frontière Thailandaise de Ranong.
Des filières plus ou moins contrôlées par les Thai nous ont fait traversé le bras de mer qui nous séparait de Ranong. Ici même ou les terres de la Birmanie et de la Thaïlande se réunissent. Je suis reconnaissante a tous ceux qui m'ont permis de m'évader de cet enfer. Mon grand-père est un homme brave et courageux, je pense que j'ai hérité de sa force. Mais je suis seule. On m'a dit ensuite que je pourrais trouver du travail en Thaïlande, avec les touristes et avec le développement immobilier.
Je suis allé a la police Thai et j'ai demandé a être réfugiée. A ma grande surprise, ils m'ont dit que c'était possible de rester si je travaillais dans la construction ou dans le "farang business". (La prostitution ou les bars). Si je choisis la première solution, je peux rester 1 ou 2 ans, le temps des chantiers, mais la vie y est épouvantable, comme des bestiaux, avec interdiction de sortir du chantier ou du bâtiment ou tous les ouvriers sont parqués.
Les risques de viols sont fréquents, les kidnapping aussi. J'avais peur et j'ai demandé aux policiers en parlant longtemps avec eux s'il y avait autre chose pour moi qui suis diplômée d'université. Ils ont rigolé quand je leur ai parlé de mes universités birmanes. Alors sous le désespoir j'ai pris contact avec des filières népalaises car les infos passent vite et il y a des passeurs impatients qui sont bien installés en Thaïlande. J'ai trouvé mais je ne peux vous dire tout ce par quoi il faut passer, ou payer, ou promettre, c'était il y a 15 jours, j'ai un travail au sous sol dans un grand magasin qui vend des souvenirs, des bibelots ethniques, de la soie. Et puis j'ai fait des copines ici, certaines comme Ladia sont la depuis 3 ans. C'est la grande fille la-bas avec un Jean's qui parle avec les 2 filles Indiennes. Ladia elle est jolie, on la croit souvent Farang, italienne ou brésilienne. Moi je suis surtout une "intellectuelle". C'était le rêve de mon grand-père.
Mais j'en suis loin! Je suis vendeuse de bibelots! C'est un groupe étranger européen qui a construit un grand "Mall", un grand magasin et un hôtel avec des restaurants pas loin de la plage. C'était ça ou la prostitution dans les bars et le "sex business Thai." Je suis brave comme mon grand-père et je ne suis pas comme les filles Thai qui se vendent et sont droguées, je veux m'en sortir. Je ne veux pas être une fille de "Farang" alors c'est pour cela que vous pouvez me parler parce que j'ai acheté ma protection, et puis je ne suis pas idiote.
Je gagne 6.000 Baht par mois, je paye 2.000 Baht pour mon visa et ma carte de réfugiée et mon permis de travail, je paye 1.500 Baht pour ma chambre, je dépense 1.000 baht de nourriture, le reste je le garde pour économiser et préparer mon avenir. Je voudrais bien continuer mes études de physique chimie dans une bonne université a Bangkok ou en Malaisie. Mais c'est difficile, ma force c'est que je parle bien l'anglais, alors peut-être qu'un jour je pourrais aller étudier en Amérique ou au Canada.
Quand je pense aux ouvriers, je devrais dire aux travailleurs de force qui sont 12 heures dans les gravas et la poussière, et qui sont complètement isolés, je me dis que j'ai de la chance! Enfin, eux, ils ne paient pas 2.000 Baht de permis de travail, et comme ça, s'ils meurent, personne n'est au courant et personne n'ira demander leurs corps. Ca arrive, ils sont jetés dans la mer et on retrouve les corps flottant dans l'archipel Mergui ou en mer d'Andaman. La tête des touristes étrangers quand ils voient un corps gonflé pris dans leurs filets.
Je vais essayer de rester ici un ou deux ans, mais surtout ce que je voudrais c'est que vous disiez a tous les gens que vous connaissez par les médias qu'il faut absolument comprendre notre abominable situation, et je veux dire qu'il faut faire des pressions sur les Birmans, sur les militaires et sur les Chinois. Il n' y a que cela qui pourra arrêter cet esclavage dans lequel des centaines de milliers de réfugiés birmans se trouvent aujourd'hui. Des pauvres comme moi, sans famille, sans vie, sans destin. Des pressions, vous comprenez? Vous êtes libre, vous, et avec ces pressions des gouvernements étrangers, on pourra s'en sortir, alors je vous en prie, aidez nous! Aidez nous avant qu'ils nous tuent tous, comme les Khmers Rouges l'ont fait, en massacrant leurs enfants! Je vous en prie, s'il vous plait. "
Temoignage recueilli par Joel Legendre-Koizumi
NB: "Farang": Etranger, en langue thailandaise.
Friday, November 02, 2007
Wednesday, October 31, 2007
Enslaved by the need to be free!
"Burma's military government, already under criticism for abuses, is recruiting children as young as 10 into its armed forces". This is one of the multiple infamous faces of the Burmese regime. Soon, to be added on this blog I ll talk about the flow of Burmese refugees escaping to Asian neighbors to try to avoid misery, brutality, slavery and death, but to gain nothing better than an other slavery. On Asian Gazette a few chapters to be coming about the enslaved Burmese and about the responsibility of Asean nations in such despair, following my recent journey in South East Asia.
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