Wednesday, July 23, 2014

"Les peuples qui aiment bien manger ensemble ne se font pas la guerre"


 Jean-Robert Pitte et Naomichi Ishige

Isao Kumakura et modérateur

Ravissement et pincement au coeur de l'assistance lorsque la phrase a été prononcée avec force: "Les peuples qui aiment bien manger ensemble ne se font pas la guerre". L'auteur de ces mots n'est autre que Jean-Robert Pitte, membre de l’Institut et président de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, connu pour ses sorties véhémentes, lors du séminaire tenu à la Maison Franco Japonaise d'Ebisu, Tokyo.

Les récents classements par l'UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l'humanité du repas gastronomique des Français et du Washoku (la cuisine traditionnelle du Japon) ont mis en valeur la gastronomie comme élément essentiel de la culture des peuples, face à l’uniformisation des pratiques alimentaires. Intéressante discussion et regards croisés ont été portés sur les gastronomies françaises et japonaises.

Château d'Ebisu, à l'atelier de Joël Robuchon

Le Washoku aime "goûter la saison" a expliqué Naomichi Ishige, ex directeur du Musée National d'Ethnologie, et c'est une cuisine qui garde les ingrédients en leur état naturel, une philosophie paradoxale, sans assaisonnement trop fort qui gâche les saveurs naturelles de la cuisine japonaise dont l'Umami うま味, l’une des cinq saveurs de base avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé, ce célèbre goût plaisant de "bouillon" que l'on connaissait déjà dans la Rome antique.

Pour lui, l'alimentation a été déséquilibrée au Japon dans les années 60 en raison de la vogue de la cuisine occidentale riche en graisse, sucre et manque de fibre, donnant naissance au processus de l'individualisation de la cuisine familiale et à une mauvaise hygiène de vie. Aujourd'hui conclut Ishige さん, il faut rééquilibrer la nourriture dite de "société" et la nourriture familiale. Deux maux qui frappent la gastronomie française et le Washoku. Idée partagée par Isao Kumakura(president of Shizuoka University of Art and Culture, president of the Washoku Japan Project)"Même au Japon, dit-il, les grands Chefs de Shoku Bunka (gastronomie japonaise) ne sont pas reconnus comme Trésor national vivant du Japon (人間国宝 Ningen Kokuho) par l'agence ministérielle japonaise de la Culture.

Atelier de Joël Robuchon, arrangements de foie gras

"Il faut faire vivre le Patrimoine" concluait Jean-Robert Pitte, soulignant le rôle joué par Auguste Escoffier et César Ritz dans la transmission de l'héritage des grands gastronomes. Intéressante confrontation entre le français et les 2 japonais, l'avenir de la gastronomie française servie au Palais Impérial lors des banquets officiels depuis l'Ere Meiji. Pitte veut les maintenir, mais Ishige et Kumakura estiment qu'une présentation du Washoku doit désormais faire son apparition au Palais... A-t-on frisé l'incident diplomatique? 2 secondes seulement, car de bon goût, les conférenciers ont été joliment ovationnés par l'assistance, un mix de public japonais et français, dégustant les bons mots de nos experts invités par la Sopexa, l'Ambassade de France, la Maison Franco Japonaise avant une réception sublime et arrosée à l'atelier de Joël Robuchon au château d'Ebisu...
 

(Summary in English: "Rapture and twinge of sorrow in the audience when the sentence was pronounced forcefully: "The people who love to eat together do not fight." The author of these words is none other than Jean-Robert Pitte, a member of the Institute and president of the French Mission heritage and food culture, also known for his spirited outputs, at the seminar held at the Maison Franco Japonaise d'Ebisu, Tokyo...)

JLK Au château d'Ebisu, à l'atelier de Joël Robuchon