Japon: Les dés sont jetés
Législatives anticipées du 16 décembre 2012
Les conservateurs de retour aux affaires?
Théâtre: Kiriki, acrobates japonais (1907)
Suite au débat parlementaire de mercredi, le Premier Ministre japonais Yoshihiko Noda a annoncé, 3 ans après l'arrivée au pouvoir du parti démocrate centre-gauche japonais, la dissolution du Parlement pour vendredi. Il s'agit pour monsieur Noda de mettre un terme au blocage de la vie politique provoqué par l'opposition conservatrice qui domine la Chambre des Sénateurs (Chambre Haute). Il avait évoqué cette possibilité afin de forcer la main aux conservateurs sur le vote des budgets nationaux. En fait cette dissolution était un secret de Polichinelle car depuis le printemps les observateurs attendent le moment stratégique qui devait motiver la décision du chef du gouvernement. Intéressant de voir ce qu'il adviendra des nouveaux engagements économiques, de l'alliance nippo-américaine, du nucléaire depuis Fukushima durant la courte campagne électorale, le président du parti conservateur, le néo-nationaliste PLD Shinzo Abe, mettra naturellement l'accent sur les thèmes chers à son électorat allant des centristes de droite jusqu'à l'extreme droite des néo-nationalistes et les "mouvements patriotes" proches aussi de l'ex gouverneur de Tokyo Shintaro Ishihara qui vient de créer son Parti du Soleil (par référence à l'Empire du Soleil Levant!")
Les faucons du PLD privilégient le conservatisme économique, la rigueur, et sur le plan militaire une nouvelle donne surgit dorénavant dans les discussions depuis la crise des Senkaku Diaoyu avec la Chine: la question de la dissuasion nucléaire, non seulement celle garantie par le "parapluie nucléaire fourni par les Etats Unis, mais aussi en recourant le cas échéant aux armes nucléaires que lui offre son industrie nucléaire, une industrie "duale". Or vers qui se tournerait le gouvernement si le Japon doit un jour violer ce qui demeure aujourd'hui comme son principe pacifiste fondamental? Vers l'industrie du nucléaire, Tepco, et les compagnies d'électricités japonaises. Chirac avait bien garanti au Japon que la France par ses accords nucléaires civils sur le retraitement avec le Japon fournissait également au gouvernement japonais une capacité stratégique. Cette question du nucléaire, depuis Fukushima sera-t-elle l'une des plus importantes pour l'opinion publique japonaise?
D'autres questions liées aux difficultés budgétaires sont annoncées par la presse japonaise. Le message qui transpire de la réalité quotidienne est plus grave, le Japon connait dorénavant l'une des périodes les plus difficiles de son histoire d'après-guerre, depuis le retour au réel de 1991 et l'éclatement de la bulle spéculative. 20 ans ont passé. La fracture "économique" paralyse les énergies, rend les japonais méfiants, inquiets et taciturnes, "saturniens". A l'international, le déclin qui menace, la crise des Senkaku avec une Chine en développement mais qui s'impose tranquillement face au Japon déconcentré, le danger nucléaire sur la péninsule Coréenne, font les beaux jours de ceux que la presse centriste de gauche (Tokyo shimbun, Mainichi shimbun et Asahi shimbun) considèrent comme les démagogues (bonimenteurs) de l'air du temps, recourant aux méthodes expéditives, aux formules simplistes. Ici aussi scandales et corruption ont le vent en poupe dans cet archipel décidément bien fragilisé ou, dualisme intrinsèque oblige, qui se retient, et pour combien de temps encore...?
"Ce qu'il y a de bien avec Abe Shinzo" me dit une source japonaise qualifiée, "c'est qu'il est très intelligent, il suivra les instructions que nous autres, les hauts-fonctionnaires, lui donneront après son élection." Oui, j'entends bien, mais les années passent et l'homme s'est affirmé. Ses soutiens aux mouvements ultra conservateurs et révisionnistes qui fréquentent le sanctuaire Yasukuni lui ont valu d'être "naturellement" considéré comme le recours de la droite nippone. Celle qui rêve des beaux jours de domination économique de l'Asie, autorité maintenant contestée violemment par une Chine décomplexée. Abe le recours qui inquiète bon nombre de japonais de la rue qui ont depuis longtemps déserté les bureaux de votes. Reste, alors, le vote extrémiste?
Le Japon jongle avec les symboles comme des acrobates dans leur cirque. Le Japon comme la Chine sont deux pays décidément très similaires, une puissante bureaucratie d'Etat omniprésente, une identité de source confucéenne et le chamanisme érigé en règle impérative, un parti unique et/ou une religion d'état, aucune souveraineté populaire, les 2 frères ennemis ressemblent aux pays démocratiques, vu de l'extérieur. Que de différences néanmoins avec l'Occident, l'une essentielle sans doute est l'authentique mise en commun et la nécessité d'une organisation collective qui contraignent les droits et les individualités, à faire déchanter les démocrates!
公共
(collectif)