De Hiroshima à Fukushima:
le Japon de la discorde
le Japon de la discorde
Cette semaine, les médias japonais parlent de deux choses, des commémorations des bombardements nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki, et, de la nécessité de redémarrer des centrales nucléaires, suspendues après les événements tragiques des réacteurs de Fukushima Dai-Ichi. Le débat énergétique a démarré, le Japon a depuis organisé des manifestations de masse contre l'énergie nucléaire.
La bataille est menée pour sauver l'économie et l'industrie, près d'un an et demi après l'accident. Pour qui? Les évacués de la région contaminée de Fukushima et les régions voisines n'ont pas l'impression que le gouvernement japonais oeuvre à leur réintégration dans une vie "normale". Pourquoi les sommes allouées aux victimes du séisme et du tsunami ne sont elles pas versées aux bénéficiaires? Effet de manches et mépris pour les gens de la rue de la part de ces élites des beaux quartiers ministériels d'un Japon avare en réinsertion? Beaucoup d'évacués du Tohoku se sont suicidés ou sont morts d'épuisements. Les gens âgés surtout. Drames sans fin. Des rôles héroïques sont révélés avec ces "nettoyeurs" de Fukushima mais apparaissent aussi des scandales et de l'opacité, pire, du secret comme toujours dans le "village nucléaire."
Les japonais s'interrogent. Comment se fait-il que certains réacteurs atomiques soient aujourd'hui re-démarrés comme les tranches d'Oi dans la région de Fukui? Des dizaines de milliers de personnes en colère ont donc envahi poliment les rues des grandes cités japonaises dans des manifestations massives et pacifiques, depuis des mois. Pas une seule arrestation. En particulier à Tokyo en Juillet, 70.000 voire 200.000 manifestants, des mouvements citoyens, des antinucléaires mais aussi des non politisés,des familles avec enfants, des employés de bureaux, des religieux, des artistes, des intellectuels tels le Prix Nobel de Littérature 1994 OE Kenzaburo le 16 Juillet au parc de Yoyogi, dans le coeur de Tokyo.
Sourds, les industriels, les sociétés de commerce et les fonctionnaires japonais, ceux que l'on nomme le "village nucléaire", déclarent à l'unisson que s'il n'y a pas redémarrage de certaines centrales nucléaires, l'économie industrielle du Japon peut s'attendre à un effondrement à la fin de Septembre de cette année... Information incorrecte, car on n'a pas ici considéré les gigantesques stocks énergétiques et les productions des centrales thermiques notamment mais information reprise en masse par les médias "conservateurs" japonais avec écho outre-mer...
Le Japon de "la discorde"
Certains plaident en faveur de l'élimination complète de l'énergie nucléaire en tant que telle, une partie de plus en plus croissante de la population japonaise, et d'autres souhaitent la reprise de la production d'énergie nucléaire. Le débat politique devient sérieux. Enfin... pourrait on penser.
C'est dans ce contexte que survient le triste anniversaire du bombardement atomique d'Hiroshima. Le Sankei Shimbun, quotidien conservateur, a fourni des détails inédits sur ces bombardements, sans révéler ses sources: "Les États-Unis pourraient avoir vaincu le Japon en 1945 sans bombardement atomique, mais leurs intentions étaient de lancer un sérieux avertissement à l'Union Soviétique."
Dans la matinée du 6 Août 1945, le bombardier américain B-29 commandé par le colonel Paul Tibbets a lâché une bombe atomique, "Little Boy", équivalent à 13 - 18 kilotonnes de TNT sur la ville japonaise d'Hiroshima. Trois jours plus tard, le 9 Août 1945, une bombe atomique "Fat Man" a été larguée sur Nagasaki par le pilote Charles Sweeney, commandant de la bombardier B-29 "Bockscar". Le nombre total des victimes? Il varie de 90.000 à 166.000 personnes pour Hiroshima et de 60 à 80 mille personnes à Nagasaki. Le rôle des bombardements atomiques dans la capitulation du Japon et la justification éthique de l'attentat continuent de provoquer de vifs débats. (nb: Comme je l'ai constaté sur ma page Facebook) Certes, le 15 Août 1945, le Japon a annoncé sa défaite. L'acte de reddition qui a officiellement arrêté la Seconde Guerre mondiale a été signé le 2 Septembre 1945.
Selon le quotidien japonais Sankei Shimbun, l'accord qui prévoit l'utilisation de l'arme atomique contre le Japon a été signé en Septembre 1944 lors d'une réunion du président américain Franklin D. Roosevelt et de Winston Churchill, à Hyde Park, Londres.
Eté 1945: les États-Unis, soutenus par le Royaume-Uni et le Canada en vertu du "Projet Manhattan" ont achevé les travaux préparatoires pour la création des premiers essais des armes nucléaires existantes. Le 16 Juillet, le premier essai d'une arme atomique est fait et réussi dans le Nouveau-Mexique. La puissance de l'explosion est de 21 kilotonnes de TNT.
Le 24 Juillet 1945, conférence de Potsdam: le président américain Harry Truman a informé Staline que les Etats-Unis a acquis de nouvelles armes de "destructions massives". On peut lire dans les mémoires de Truman que: "Staline lui fit signe de loin, alluma sa pipe, et ne montrent pas d'intérêt particulier." Il était heureux et a exprimé l'espoir que les États-Unis seraient en mesure d'utiliser la bombe contre les Japonais. Churchill, qui surveillait Staline, pense que Staline ne comprends pas alors ce que signifiait Truman...
Provoquer un grave impact moral et psychologique sur Staline
Selon les historiens japonais dont les conclusions sont citées par le quotidien Sankei Shimbun, l'une des raisons du bombardement atomique du Japon était donc de créer, susciter et provoquer un grave impact moral et psychologique sur Staline. Le Japon aurait perdu la guerre sans le bombardement, rapporte le quotidien conservateur japonais.
Si cette version est correcte, alors les Américains ont connu un échec sans précédent car les bombardements du Japon n'ont pas eu d'incidence sur Staline qui est resté fidèle à ses principes, a occupé des îles dans le nord du Japon, au point que quelques années plus tard l'Occident est entré en "guerre froide" avec l'Union Soviétique qui a fait exploser sa première propre bombe atomique le 29 août 1949 dans le Kazakhstan. L’obtention de cette technologie est pour partie due "à un bon système d’espionnage, cela contribuera à un climat de paranoïa aux Etats-Unis qui se traduira par la "chasse aux sorcières..."
Le 13 février 1960, une bombe A, d'une puissance de 70 kilotonnes surnommée Gerboise bleue, a été testée par l'armée française dans le désert du Tanezrouf en Algérie. "Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière", s'enthousiasmait le général de Gaulle, président de la République. Les Etats du Maghreb réagissent violemment contre ces tests: deux jours plus tard, le Maroc rappellera son ambassadeur à Paris.
Dès ses premières applications, l’énergie nucléaire a donc été marquée par la dualité, le mot est la hantise mais aussi la réalité du vrai Japon: nouvelle source d’énergie abondante, elle est aussi le symbole d’un immense pouvoir de destruction. Le Japon en a fait la très cruelle expérience, 3 fois, à Hiroshima et à Nagasaki les 6 et 9 Août 1945, et à Fukushima au lendemain du tremblement de terre et du tsunami du 11 Mars 2011. (Image)
Le débat est lancé au Japon, mais ira-t-il jusqu'à la tenue d'un référendum démocratique sur la question si simple et pourtant si importante: "Etes-vous pour ou contre la réduction de la production d'électricité d'origine atomique depuis l'accident de Fukushima?"
Avec des éléments sur ce sujet diffusés dans mon reportage sur les cérémonies de Hiroshima du 6 août 2012, avec pour la première fois présent, le représentant du président de la république François Hollande, l'ambassadeur Masset, sur RTL radio
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Fukushima