Thursday, August 30, 2012



Former Japan Prime Minister Naoto Kan:
"Danger posed by nuclear plants is tremendous"

Naoto KAN


Japanese former Prime Minister Naoto Kan was our guest speaker at the press club in Tokyo Wednesday August 29th 2012 with 180 people attending our press diner event, and over 60 journalists rushing to ask questions to the man who led Japan when the triple catastrophes crushed Tohoku, the northern part of the Japanese main island of Honshu with the earthquake, the tsunami and soon to come the nuclear accident.

"We could not control the reactors on March 11th and my question, Naoto Kan said, was to know when can we regain control?" "The danger posed by nuclear power plants is tremendous and so is the impact of radioactive material," he added. "On 15th March I called to Tepco and told president Shimizu any withdrawal is an unacceptable option, no possibility of withdrawal." "Hai Wakarimashita" (I understands yes) Tepco Shimizu told twice to Kan who also visited Tepco early morning of the 15th. 

"Since 3/11, I made a 180 degrees change of position (about nuclear energy). No other accident has such potential of destruction of a country as nuclear energy. I asked myself what is the best way to safely control a nuclear plant? The only way is to create a society where we do not depend on nuclear energy like Spain, Germany, Denmark opted. Japan is to give a plan goal in September, we would have to try to reduce to ZERO as soon as possible, reduce the burden on the nation, because we also produce nuclear waste and we have to opt for renewable energy." Naoto Kan stated.

After Kan's speech, assigned by my colleague moderator Martin Koelling of Germany [on the right on the picture] I raised the first question to the event, asking  Mr Kan if there is a danger threatening Japan, today, in regard to the Fukushima plants and especially with the dangerous potential of the unstable pool of building 4, containing tons of dangerous highly radioactive rods? An explosion due to a new natural disaster wouldn't be catastrophic I asked? Former Prime Minister Kan answered that "if the pool at building 4 is to collapse, then it will be a terrible accident." 

Tepco people said they manage it by reinforcing the (destroyed) structures of the building. But Mr. Kan conveyed to the foreign (and Japanese) media gathered here that he personally believes there is a high danger for people's lives. And of course we, media, know that Tepco is always selective about describing the exact situation on Fukushima. (Example with the confusion by Tepco about the 1533 highly radioactive rods contained into the unstable dangerous pool of reactor 4.) 

Prior to this question I commented to Mr Kan in introduction to my question that "because you forced Tepco people to stay on the plant after March 11th you certainly saved considerable number of lives and it would be natural that if you are asked and if you accept, you ought to receive the Nobel Peace Prize." At the end, when Kan thanked the audience and received our honorary membership of the press club and stated he'll be back "if I receive the Nobel prize" there was a thrill among the crowds gathered at the club, some sort of mixed feeling of emotion and pride and a touch of "Bel Esprit" sent by Kan. 

Why I told him that? Simply because these are the words heard within foreign embassies in Japan nowadays with thankful messages sent to him for the high level of responsibility and leadership that Kan and his team exerted since the Fukushima nuclear power plant accident March 11th, 2011. What he did at least was to avoid the unbearable catastrophe and we hear more and more details about what exactly happened then and since. But what about next time and what about Noda's responsibility for the future of these islands?

As a final comment I would say that the club's event August 29th was very well balanced and moderated with a chance for anyone to ask a question, including tough specific ones, it was a very professional atmosphere compared to the invitation of ex-Tepco president Shimizu. At that time, there was considerable complaints made by our fellow colleagues of the press club whose questions were refused then, creating anger and disappointment among some of our Japanese members and colleagues of the Fccj.

Tuesday, August 28, 2012



Une étincelle pour que l'Asie explose ?





(3e partie de l'article: "Avis de tempête nationaliste en mer de Chine")

Le Japon est souvent accusé de pratiquer le grand écart diplomatique, une indépendance de façade contrôlée par Washington qui dispose de 50.000 soldats sur l'archipel. Pourquoi? Pour protéger les japonais d'eux mêmes? De leurs démons xénophobes et de leurs organisations politiques aussi secrètes que sectaires? Ou davantage pour asseoir la puissance américaine en Asie Pacifique, zone de fort développement économique depuis 25 ans? Le tout peut-être. Quel avenir immédiat en Asie de l'Est?

 Je vois des classes moyennes qui ont été créées pour soutenir le développement, elles attendent beaucoup de leurs États, sur le plan matériel. La crise est passée par ici. Certains parlent au Japon, société disciplinée, militarisée, d'un syndrome culturel du "Coup d'Etat" mais est-ce vraiment sérieux? Au XXIe siècle, celui de l'Asie Pacifique?


30, 40 millions de morts durant la colonisation asiatique provoqués par le Japon et la guerre? Un Japon sur les genoux, un peuple aplati devant ses généraux extrémistes divaguant sur la divinité de la race nippone. On les retrouve en 2012 dans les rues de Tokyo, pas grave, mais aussi dans des enceintes politiques, inquiétant. Le langage adopté par ces politiciens est vulgaire, raciste, ignorant du monde extérieur. Coup d'État. On peut y songer en écoutant des ténors populistes nippons. Il y a danger en effet quand on lit les déclarations politiques du puissant et populaire gouverneur de Tokyo M. Ishihara, de son clone d'Osaka M. Hashimoto, ou d'Abe Shinzo.


J'ai vu ce dernier communiant avec les foules recueillies au sanctuaire Yasukuni le 15 août dernier appelant au sursaut. La revanche ? Ils sont incompris outre-mer, et ici perçu tout au plus par des nostalgiques qui s'expriment sur des fora négationnistes d'Internet.


Négationnisme, racisme, nationalisme, francs-tireurs de la race supérieure, on en décline de drôles et de toutes les couleurs dans chaque nation d'Asie, vociférées par des populistes. La Chine renoue avec ses "violences de masse" irrespectueuse des symboles et des statuts diplomatiques si j'en crois l'épisode survenu dimanche à l'ambassadeur du Japon monsieur Niwa qui a été malmené en Chine alors qu'il se rendait à son ambassade. Des cauchemars d'une autre époque.


Dans ce cadre, les officiels Japonais et les intellectuels de l'archipel ont bien du mal à réfléchir et à communiquer leurs idées sur le devenir de leur pays et plus encore de l'Asie de l'Est, à convaincre leurs concitoyens de créer une zone de paix ouverte et propice au développement régional, et de leur offrir une vision faite de destin commun et d'espoir à l'image des grands bâtisseurs historiques. Suivant les factions, pro US anti-us, pro Chine anti-chine, pro EU anti EU, chacun au Japon s'y exprime parfois dans la cacophonie. L'émotion, la colère, remplacent souvent l'efficacité et la logique d'une formule assassine terrassant l'adversaire.


Ainsi pour beaucoup de ces nationalistes et néo-conservateurs au Japon, en Chine et en Corée du Sud, il suffit de moquer le bon sens et les traités datant de la dernière guerre pour imposer leurs vues radicales. Mal préparée, la bureaucratie des trois pays essaie de contenir colères et frustrations exprimées par les nationalistes. Une impression de " Déjà vu". Les litiges territoriaux ont pesé lourdement sur les guerres d'invasion du XIXe et XXe siècle. Or, je lis que de nouvelles visites interdites sont programmées prochainement par des contestataires chinois de Hong-Kong et Taiwan sur les Senkaku-Diaoyu. Que feront les "Japan Coast Guard"? Ils ont la réputation d'être adeptes des escarmouches violentes comme on l'a vu récemment avec les vedettes nord-coréennes coulées à pic. Le Parlement nippon se met en marche, il est en train de ficeler pour cet automne de nouvelles conditions d'interventions musclées par les JCG dans les eaux territoriales.


Devant cette éventualité qui risque de leur échapper, les américains s'affolent et communiquent dans le dos des japonais: "Il faut continuer les relations sur une base économique et commerciale", signer les accords de libre-échange (FTA) en Asie du nord-est, c'est la musique jouée par les diplomates américains que les médias américains et la presse économique mettent en musique: "It is often suggested that trade plays an important role in mitigating conflict and there is considerable evidence to support this idea. However, although Asian nations are trading more, they are also bolstering their military capacities and quietly preparing for the worst" écrit dans le quotidien en langue anglaise "Japan Times" un commentateur basé à Taiwan, Bryan Harris. Le commerce comme régulateur des conflits, pourquoi pas?


Vue de l'extérieur, la Grande Muraille d'Asie parait donc bien sourde. N'y a t il pas de futur collectif identifiable? L'Asie est-elle otage de ses idées ancrées au siècle dernier? Au point de ne pas savoir clairement définir son futur? L'Asie doit-elle repasser devant la Cour Internationale de Justice pour redéfinir ses frontières terrestres et maritimes? Faut-il signer un "avenant" au Traité de San Francisco?


Quelle valeur commune Asiatique?

C'est tout le drame de la grammaire d'ici. Pas de futur défini dans les langues d'Asie, les verbes ne se conjuguent pas en chinois et en japonais. On n'ajoute qu'un petit suffixe. Cela signifie-t-il, comme je le soulignais au tout début de ce commentaire, une absence de vision future et de valeur commune Asiatique sauf si elle est accordée, et par qui?


Peut-être que l'on ne parle pas du même monde et de la même vision entre Occident et Orient Extrême. La globalité est l'évidence mais on n'y répond pas de la même manière suivant qu'on l'écrit par des lettres dans le monde occidental ou par des idéogrammes dans le monde chinois. "L'évidence conceptuelle de l'analyse comme mode unique d'appréhension du réel grâce aux mots écrits" mais qu'en est-il lorsque l'on dessine des idées? L'univers entier n'est pas structuré comme un langage, Reeves avait peut-être tort, car en Chine, au Japon et en Corée, on peint des "dessins d'idées" par organisation successive. Lente et complexe évolution. Je le vois jour après jour depuis ma colline surplombant la baie de Tokyo.


Des signes en commun? Oui: L'esthétique, le riz, l'eau des grands fleuves et des océans, l'harmonie 調和, le bonheur 幸福 existent pourtant comme valeur et traits majeurs de ces cultures reflétées par ces idéogrammes partagés par tous ces pays d'Asie du Nord-Est. L'idéogramme, une "peinture de l'esprit" qui est commune et influencée par la culture millénaire de Chine. Dans l'épisode à répétition des Senkaku Diaoyu et Takeshima Dokdo on cherche la définition des souverainetés, sur quelle mode? Et quelle paix sera trouvée sinon une paix précaire car sans mécanisme pour les y contraindre?


"La beauté est dans l'oeil de celui qui la regarde" dit le proverbe chinois. Le changement de mandat, diriger pour le "bien-être de tous", ce sont des valeurs asiatiques de commandement très à l'ordre du jour. Vision de développement et déclaration esthétique. Les Asiatiques sont des candidats au bien-être mais lequel? Matériel et clinquant, contemplatif ou intellectuel, éternels amoureux de l'éphémère et ne souffrant d'aucun "mal des passions?"


La Chine semble reprendre la place dominante qu'elle occupait depuis des siècles et  répond présent pour exercer son leadership régional face au Japon politiquement diminué. Un Japon qui est résolument ancré dans un système d'après guerre froide sans avoir su ou pu inventer autre chose. Pourtant l'histoire démontre que le Japon a des capacités d'interventions et de résistances extrêmes, "the spirit of resilience" dont les populations japonaises ont fait preuve devant la planète depuis les trois catastrophes du Tohoku du 11 mars 2011. Résistant en cas de défi, le Japon est démotivé le reste du temps, en particulier sa jeunesse peu encline aux efforts et aux innovations qui gênent des habitudes d'enfants égoïstes et gâtés par l'argent facile. Le Japon des Otaku d'Akihabara, des parties fines de Waseda, Shonan ou Azabu... Le Japon croyez- moi est si riche.


Un Japon Saturnien

C'est tout le malaise présent d'un Japon 2012 que je décrirais comme un archipel morose, sombre, aigri, trop dépendant des autres: autorité parentale, hiérarchie, séniorité au bureau, irresponsabilité, inégalité des sexes, un Japon projeté dans son "impermanence" depuis le 11 mars 2011, auquel s'ajoute le syndrome du laisser-faire et du retranchement, sans grande capacité de défense (exemple avec le traité de sécurité militaire Japon Etats-Unis qui évite aux japonais de penser en terme de sécurité).


Bref le Japon est devenu "Saturnien". Dans ces conditions, Les japonais sont-ils capables de s'affirmer démocratiquement et de débattre, eux qui ne votent plus, ne rêvent plus en commun, ne font plus d'enfants, mais accordent entre deux SMS sur un quai de métro, leur suffrage politique aux plus bruyants des nationalistes vieillis et aigris par les crises de modèle de société qu'ils n'ont pas su circonvenir?


67 ans après la reddition du Japon marquant la fin de la guerre du Pacifique, dans cet été surchauffé, la paix en Asie n'est toujours pas ancrée dans les esprits mais le Japon a-t-il essayé de se faire aimer par ses voisins? La réponse est non! "Shouganai" しょうがない! Mais à sa décharge, il est bien difficile de percevoir les sons de la langue chinoise. Alors la plus grande valeur commune à mettre en place, puisque toutes langues d'Asie optent pour la souplesse sémantique, serait-elle de commencer à concevoir et produire "pour le profit de tous." En ce lieu, ces grands pays d'Asie s'y retrouveront.


La preuve? L'ancien Premier ministre Yukio Hatoyama a voulu créer une communauté Asie de l'Est, il est peut-être le seul Japonais qui a su comment surmonter le nationalisme dans un monde multipolaire. Et qui a accepté de lui répondre en écho quasiment aux mêmes dates? Wen Jiabao! Au Sommet Chine Europe de Prague le 20 Mai 2009, le Premier ministre chinois déclarait fermement:  "La Chine ne sera jamais puissance hégémonique." Hégémonique non, mais le centre du monde? Qui sait ce dont rêvent les dirigeants de Pékin?


Il est évident que les Etats-Unis ont sanctionné immédiatement Hatoyama. Ils ne laisseront pas passer devant eux le train de la formidable croissance des économies asiatiques et chercheront à marquer de leurs empreintes les futurs accords, pactes, traités militaires et décisions économiques du Japon avec ses voisins. Il faut dire que le terrain est libre...

Intrinsèquement, une telle stratégie va à l'encontre des intérêts des géants d'Asie selon la formule qui seule peut alors les réunir: "Economie oui. Politique non." Dorénavant Tokyo ainsi que les autres capitales asiatiques devront faire preuve de beaucoup d'imagination souveraine, de volonté, et d'équidistance géopolitique si elles veulent croître pacifiquement avec la Chine. C'est un grand siècle mouvementé qui démarre et qu'il convient de suivre de très près car la région asiatique c'est aujourd'hui le moteur économique et industriel qui tire la croissance mondiale et pour longtemps.




Épilogue

L'Asie c'est loin même au siècle d'Internet! Les informations en mettent du temps à faire le voyage chez les "experts" occidentaux. Les images fanées, stéréotypées, officielles et pas de première fraîcheur colportées sur l'Asie par les acteurs dont on serait en droit d'attendre davantage... démontrent une fois encore l'importance d'avoir sur place aujourd'hui des observateurs attentifs, médias, scientifiques, entrepreneurs, et un peu moins de cette cavalerie diplomatico-administrative coûteuse et obséquieuse.

 Il serait utile de faire jouer les partenariats. Je me souviens comment ma chaîne de radio française m'avait envoyé en Asie au sein des radiotélévisions nationales et internationales grâce à une initiative que j'avais portée devant la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (sous le président François Mitterrand) j'étais vraiment très jeune, on m'avait encouragé, aidé et recommandé en haut lieu au sein de Radio France. J'ai alors travaillé avec les chaînes radiotélévisions asiatiques nationales sur place et dans le même temps ma chaîne française m'employait comme correspondant.


Laboratoire intelligent, une gestion partagée, et une expérience de travail en partenariat qui était très formatrice. J'ai effectué très tôt une plongée en eau profonde avec pour arme une expérience journalistique encore fraîche mais avec l'objectif de faire une étude de l'Asie intellectuelle et pratique, dans un cadre de travail, une salle de rédaction, pour observer l'Asie Orientale qui pèserait de plus en plus sur les décisions du monde. Analyse qui s'est avérée exacte.


Le constat est clair: il faut parler de l'Asie au quotidien, l'économique, l'information et le développement scientifique, les faits de société, motiver les consciences et s'en inspirer. Mais ce qui me semble le plus important est de savoir imposer une hiérarchie de l'information qui sera bien maîtrisée pour ce qui vient d'Asie et ce qui vient de France. Maîtrisée ne signifie pas mentir par des informations tapageuses et vulgaires, mais signifie que l'on maîtrise ses dossiers.


Les grandes puissances économiques d'ici, Chine, Corée, Japon la 3e puissance mondiale qui se dit toujours en crise, pourtant 1 $ = 78 Yen, le $ n'est plus que la moitié de la valeur face au Yen que j'ai connu en arrivant en Asie, donc "la crise" est elle une sublime plaisanterie de banquier facétieux, ou bien est ce le Japon qui démontre son absence d'ego pour désarçonner l'adversaire:  "Une crise du Japon que j'ai lue mais que je n'ai pas vue" disait un ministre français du commerce extérieur qui avait tout compris lors d'un déplacement au Japon.


Connaître les motivations, les rêves, les prises de décisions stratégiques des gens avec qui l'on veut travailler, pourquoi pas? Cela ne se comprend pas en lisant un Twitt. Pas inutile alors d'imaginer demain d'autres horizons, j'ai mon idée sur cela, et de réaliser de nouveaux partenariats transcontinentaux; les faire fructifier, bénéfices mutuels; mais aussi afin d'animer et pour longtemps, comme le disait un célèbre stratège américain* : " a fruitful diplomacy".


* Henry Kissinger interrogé au Nihon Kisha Club de Tokyo sur les attentats du WTC 9/11. 

A Lire :

- "Le nouveau monde sinisé" Paris, PUF, 1986 par Léon Vandermeersch.

- "La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys" par Monique Chemillier-Gendreau.










(Illustrations: C-Forestier-Thivrier et Peinture Bambou Bleu)



Last is the VDO footage by the Japan Coast Guard of its failed attempts to prevent Chinese activists from landing on the Senkaku Islands on Aug. 15, 2012. Video edited and abridged.

http://youtu.be/-MmJkf_NLNs

Fin



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Sunday, August 26, 2012


Au-delà du nationalisme asiatique...

(2e partie de l'article: "Avis de tempête nationaliste en mer de Chine")




.... Une farce diplomatique! La Corée du Sud a renvoyé jeudi à son expéditeur, sans y répondre, une lettre du Premier ministre japonais Noda au président sud-coréen Lee Myung-Bak au sujet des îlots Takeshima-Dokdo, îles dont les deux pays se disputent la souveraineté. L'ambassadeur de Corée du Sud au Japon s'est rendu devant le ministère japonais des affaires étrangères mais il a été bloqué devant l'entrée du ministère face aux micros et caméras des médias. 

Une redoutable perte de face infligée au populiste président sud-coréen par qui le scandale est arrivé. A l'origine, le président Lee déclarait que l'Empereur du Japon Akihito ne pourrait venir en Corée du Sud que s'il s'excusait pour les atrocités commises par les forces d'occupation japonaises durant la colonisation par le Japon. La Corée semble oublier qu'en 1990, Akihito a exprimé "ses profonds regrets et ses excuses sincères" pour les souffrances du peuple coréen pendant la colonisation. Message simple et sincère. Le temps n'est-il pas venu de regarder en face et de réfléchir en commun aux manquements des règles de droit et sur les avoirs disparus par temps de guerre ou même lors de l'occupation par les forces alliées sous Mc Arthur. 


Dans la lettre remise à l'ambassade de Corée du Sud à Tokyo pour le président Lee, le Premier ministre japonais Yoshihiko Noda lui demandait de présenter ses regrets à la fois pour le déplacement sur les îles et ses propos à l'égard de l'empereur. Le Japon veut présenter le dossier des 
Takeshima-Dokdo devant la Cour Internationale de Justice, la Corée du sud refuse. Personne ne semble capable de négocier le moindre accord. Cela pourrait mal terminer d'autant que les nationalistes des deux pays soufflent sur les braises... 


Dépasser le Japon

Les nations d'Asie, Chine en tête, ont décidé dans les années 80 d'atteindre ou de dépasser le niveau de développement scientifique et économique du Japon. Elles ne vont pas flancher. Elles recourent aux politiques populistes et créent des querelles entre nationalistes, arme de propagande à manipuler avec prudence.

Au Japon les nationalistes sont actifs et organisés, c'est le cas de ces groupes agissants, férus des thèses de l'extrême-droite d'avant-guerre, ce sont les "Net Uyoku" ネット右翼, alarmés
 par la politique, l'économie ou... par la télévision, et furieux lorsqu'ils perçoivent que les intérêts vitaux du Japon sont menacés. Parmi eux des membres des syndicats criminels Yakuza: "On les utilise parfois, ils sont souvent d'origine coréenne d'ailleurs" me déclarait l'un d'eux lors d'une longue enquête. Ces "Net Uyoku" ont manifesté durant des mois contre des chaînes de TV japonaises diffusant des "soap-opera" coréens ou chinois. Ils manifestent sans relâche (mais incapable de réunir autant de manifestants que lors des gigantesques rassemblements anti-nucléaires de Nagatacho et Yoyogi) avec ces litiges territoriaux des mers de Chine. Leur ligne politique est ultra conservatrice, nostalgique d'un Japon d'avant guerre. Nostalgiques ou en devenir? Ils parlent parfois de faire un coup d'Etat! Ils sont présents dans tous les recoins de la société, des partis aux forces d'auto défense, dans l'administration, l'industrie ou l'enseignement, des religieux du shintoïsme leur acheminent des soutiens financiers non imposable! Je reviendrais un jour sur tout cela...

Quelles îles réclament ils au fait? Quelques-uns des 30.000 rochers et îlots perdus dans les mers de Chine, les Senkaku-Diaoyu, et plus loin les rochers de Takeshima-Dokdo en mer du Japon (mer de l'Est en Coréen) avec cinq petites îles et trois rochers. Il y a aussi les Paracels et les Spratleys en mer de Chine méridionale. La rivalité s'intensifie entre la puissance chinoise et ses "vassaux" régionaux, car ces îles recèlent du pétrole, du gaz et la plus grande ressource halieutique de la région. Toutes ces îles se situent sur la route maritime d'un tiers du trafic mondial. Toutes ces îles sont riches aussi et surtout en étendue de territoires maritimes qui augmentent les frontières et les zones économiques. Ces îles des mer de Chine sont riches en terme d'influence politique. C'est le plat de résistance des nationalistes de l'Eté 2012.


Pourtant, la réponse de Washington n'a pas tardé à la suite de ces querelles territoriales. Les responsables américains de la défense déclarent qu'ils vont accroître le développement de leur bouclier antimissile en Asie, en réponse "aux menaces de la Corée du Nord et de la Chine." Cela pourrait inclure un nouveau radar dans le sud du Japon et en Asie du Sud. Les radars en bande X seraient reliés à des navires intercepteurs. Un strict plan de défense précise Washington, "aucun missile ne sera lancé en premier par les Etats Unis." Ce plan est évident et il s'inscrit dans la stratégie de l'administration Obama d'expansion vers l'Asie-Pacifique, région cruciale pour l'économie américaine après une décennie de guerre en Irak et en Afghanistan.


Dans ces conditions, avec ces conflits récurrents et ce manque de volonté et d'imagination politique des pays d'Asie, malgré des formules mathématiques alambiquées comme "Asean + 3" et d'autres plans dépourvus de réalisme, force au constat, celui d'un déficit des "valeurs communes asiatiques" et d'absence d'un outil de travail commun pour fédérer toutes ces nations d'Asie à la différence de ce que l'Asean a fait recourant à une "diplomatie douce et harmonieuse".


Auraient-elles imaginé une autre forme de développement, les riches nations d'Asie pourraient ouvrir de nouveaux chapitres de leur histoire. Quels leaders historiques sauront créer cette Asie et quand? Lee Kuan Yew a fait long feu, Mahatir idem. Lee, Hu et Noda vont passer la main. Aucun dirigeant historique Coréen, Chinois ou Japonais n'est en mesure de répondre au exigences du monde hostile et de sceller les premiers traités d'unité régionale. Un "problème de diversité culturelle" me disait de son vivant l'ancien premier ministre japonais Ryutaro Hashimoto. 



"Economie oui, politique non!"

Pourtant, la coopération régionale privée existe et s'intensifie. La finance régionale est en marche, Chine et Japon sont les poids lourds de l'Asie et coexistent avec leurs industries dépendantes les unes des autres. Je ne vois pas aujourd'hui de crise insurmontable avec des soldats en marche dépêchés sur le front ou sur les océans. Je ne vois pas de départs des populations chinoises, coréennes ou japonaises de leurs pays vers des zones de refuges, je ne vois pas de fermetures d'usines, ou l'effondrement des économies. Le risque de radicalisation apparaît plus aujourd'hui comme une expression des perdants de cette modernisation des économies. 


La part belle est faite aux créateurs et aux bâtisseurs, l'impact est rude pour ceux qui n'y ont pas été préparés. Ces manifestations nationalistes sont par conséquent encouragées ou tolérées dans un cadre bien défini, à but de politique intérieure. Elles montrent une puissance de mobilisation mais pas de critiques violentes ou "d'anéantissement" des politiques nationales. Au contraire Chine et Japon mobilisent facilement leurs "activistes", on voit des chinois briser des voitures et des restaurants japonais, on voit des coréens lancer des projectiles contre l'ambassade du Japon de Séoul, on voit des japonais hurler contre Chine et Corée en défilant au coeur même de Tokyo, sur la Ginza.  

Au final, ce que je vois, ce ne sont que des mouvements d'ambassadeurs et un téléphone diplomatique qui fonctionne encore assez mal entre puissances régionales,  et puis un gendarme, les Etats-Unis, qui sifflera la fin du match. Ce que je vois d'Asie de l'Est ce sont des imitations des modèles de développement du Japon des années 60. Les deux problèmes émergents concernent davantage les acquisitions et les ventes de technologies. De cela je ne m'inquiète pas non plus car l'Asie renoue avec ses traditions millénaires. 

En revanche je m'inquiète des approvisionnements énergétiques, d'autant que la catastrophe nucléaire de Fukushima (et la contamination de la nature et des produits alimentaires de certaines régions et littoral du Japon) obligent dorénavant les gouvernements de la région à exercer un maximum de prudence pour préserver leur sécurité énergétique. Le Japon n'est pas transparent. Il agit avec prudence et n'a pas confiance en ses voisins. 

Plus qu'une insularité typique, c'est une méfiance de l'étranger, quasi xénophobe, poussée au paroxysme et instrumentalisée. Le marché du travail est fermé, les appels d'offres sont protégés et offerts aux firmes nationales, la libre entreprise est une interprétation, des mots mis en avant pour "faire semblant" d'être une grande nation ouverte au commerce comme les autres du G8.  Beaucoup au Japon en souffrent, l'archipel entreprend depuis plus de 40 ans une marche forcée qui l'a conduit au 3e rang économique mondial. Bravo! A quel prix! 

Des générations de salariés sacrifiés, exploités et "jetés" quand vient l'âge de la retraite. IL sera bientot reculé à 65 ans. Avec l'obligation de vieillir et retravailler (les japonais adorent le travail c'est exact mais parce que le loisir est quasi vu comme un péché, un acte antisocial) pour compenser une retraite défaillante dans un système social qui ne fait la vie belle qu'aux riches! Une maison de retraite c'est de 20 a 30 millions de Yen de droit d'entrée, et 1000 $ par mois minimum par personne. Les familles doivent vivre avec 3 générations sous un même toit, mais les rapports sociaux ont changé plus encore depuis les années des films d'Ozu. Habitations petites, violence des rapports sociaux, du stress quotidien, on a beau être Zen, la santé... au Japon est une pratique "aléatoire", les maladies psychologiques envahissent les pages des magazines nippons. 

A ce propos le Japon se prépare, depuis que le "nettoyage" de Fukushima a commencé, à une catastrophe sanitaire. Des maladies du travail en milieu nucléaire apparaîtront dans 5, 6, 7 ans? La médecine japonaise est bien silencieuse, silence douteux, depuis le 11 mars 2011. "Au commencement était l'inceste..."

La Chine, elle-même, est elle suffisamment transparente et comptable ("accountable") pour garantir qu'une réponse appropriée sera offerte en cas accident industriel du genre de Fukushima? Les infrastructures chinoises sont-elles suffisamment solides? Transports, réseaux ferrés à grande vitesse, parc industriel, approvisionnements, santé? J'ai le souvenir de ces ciments fragiles enfermant les réacteurs de la première centrale nucléaire chinoise de Daya Bay dans le Guangdong. L'avarice des sous-traitants et l'absence de contrôle des autorités chinoises m'avaient été rapportés par les industriels français du nucléaire. Les avarices des constructeurs ont-elles disparues, la construction mieux réglementée?


Certes "les interdépendances économiques et la soif du bien-être jouent un rôle, et les preuves sont nombreuses d’une séparation en Asie de l’économique et du politique," dit un récent rapport de l'Irsem (Ministère français de la Défense). C'est le "crédo" nippon depuis les années 60: "La diplomatie économique." 


On le voit,  la tension récurrente des mers de Chine fait partie de ce grand "Lego géostratégique" qui se met en place devant nous, sans commune mesure avec l'Asie d'hier. Pour soutenir ce développement asiatique, on va devoir réinventer les formes de coopération et de pouvoir, responsabiliser les Etats impliqués, les relations de travail, les projets, et en créer de nouveaux, vite. Fini le temps des conseillers politiques émissaires des grandes puissances ayant résidence dans les antichambres des pouvoir Pékinois, Séoulites ou Tokyoites!





Prochain chapitre: "Une étincelle pour que l'Asie explose?"


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