En 2003, Jacques Chirac comprit, par un coup de
fil de George W. Bush, ce qui poussait ce
dernier à vouloir faire la guerre à l'Irak. "Si
vous le répétez, je démentirai" de Jean-Claude
Maurice, l'histoire des relations Chirac - Bush,
chez l'Editeur Plon en mars 2009. Eric Mandonnet
de l'hebdomadaire l'Express décrypte. Extraits:
"Jacques Chirac l'a appris, le mois précédent, de
la bouche même de Bush Jr. Une révélation reçue
d'abord avec étonnement, puis, renseignement
pris, avec effroi. Lors de cette conversation
téléphonique visant à convaincre son homologue
français de se joindre à la coalition, George
Bush Jr. a utilisé un argument singulier,
affirmant que... «Gog et Magog sont à l'oeuvre
au Proche-Orient» et que «les prophéties
bibliques sont sur le point de s'accomplir».
Sur le moment, Jacques Chirac, stupéfait, ne
réagit pas. Il sait Bush religieux, mais il a du
mal à comprendre que le président de la première
puissance du monde soit à ce point fondu des
Ecritures qu'il batte le rappel des duettistes
Gog et Magog pour justifier son combat! Chirac
s'en ouvre à ses conseillers, d'abord portés à
sourire. Il les charge de l'éclairer plus
précisément sur Gog et Magog.
Un jour plus tard, George Bush récidive,
prononçant ces deux noms mystérieux lors d'une
conférence de presse sur l' «axe du mal».
L'Elysée consulte d'urgence un spécialiste. Pas
en France, mais en Suisse, pour éviter
d'éventuelles fuites.
C'est Thomas Römer, professeur de théologie à
l'université de Lausanne, qui est mis à
contribution. Son rapport a de quoi glacer le
sang. Gog, prince de Magog, c'est l'apocalypse.
Ce personnage apparaît dans la Genèse, et surtout
dans deux des plus obscurs chapitres du Livre
d'Ezéchiel, prophétie d'une armée mondiale
livrant la bataille finale à Israël. Un conflit
voulu par Dieu qui doit, terrassant Gog et Magog,
anéantir à jamais les ennemis du peuple élu avant
que naisse un monde nouveau.
Une page du "Beatus de Facundus", un manuscrit
enluminé du XIe siecle. Gog et Magog
apparaissent dans la tranche du milieu, à gauche
du faux prophète.
Pour un esprit français, l'évocation de Gog et
Magog pouvait prêter à rire. Chirac, lui, ne rit
pas. Cette parabole d'une apocalypse annoncée
pour réaliser une prophétie l'inquiète et le
tourmente. Il s'interroge aussi sur l'inculture
religieuse à l'heure où les soubassements
religieux sont beaucoup plus déterminants qu'on
ne veut le croire dans les décisions politiques
et militaires.
Jacques Chirac dès lors ne s'y trompe pas. Le
président américain a sommairement décrypté les
Ecritures: une armée mondiale islamiste
fondamentaliste menace le monde occidental qui
soutient Israël. Les attentats du 11 septembre
contre les tours de Manhattan en sont la preuve.
«Ils vont mettre la région à feu et à sang.
"Ils ne comprennent rien à rien!"
Ils ne comprennent rien à rien et sont d'une
inculture crasse en ce qui concerne un Orient
déjà compliqué. Demandez-leur de vous citer le
nom d'un poète arabe. C'est tout juste si pour
eux l'affrontement entre chiites et sunnites ne
renvoie pas à la finale d'un Super Bowl du
Moyen-Orient!» Et d'énumérer tout ce qui va se
passer. «Vous verrez: ils vont mener une guerre
de Pandore, la gagner rapidement, mais le plus
dur alors commencera. Sunnites et chiites vont
se déchirer.
Après l'invasion, une guerre civile fera plus de
victimes civiles que les combats de la guerre
éclair. Al-Qaeda trouvera en Irak un terrain de
manoeuvre qui lui est jusqu'ici interdit. Dans
un an, il faudra envoyer des renforts. Et dans
trois ans, quand 3 000 GI seront morts, ils
n'auront le choix qu'entre le retrait et l'envoi
de nouvelles troupes."
"Si vous le répétez, je démentirai" par Jean-Claude
Maurice aux éditions Plon, France.
Directeur de la rédaction du Journal du dimanche
entre 1999 et 2005, Jean-Claude Maurice rencontra
à une dizaine de reprises, en tête à tête,
Jacques Chirac, alors chef de l'Etat, avant la
guerre en Irak à laquelle le président français
s'opposera.
(Courtesy of L'Express E-mail newsletter)