Sunday, August 26, 2012


Au-delà du nationalisme asiatique...

(2e partie de l'article: "Avis de tempête nationaliste en mer de Chine")




.... Une farce diplomatique! La Corée du Sud a renvoyé jeudi à son expéditeur, sans y répondre, une lettre du Premier ministre japonais Noda au président sud-coréen Lee Myung-Bak au sujet des îlots Takeshima-Dokdo, îles dont les deux pays se disputent la souveraineté. L'ambassadeur de Corée du Sud au Japon s'est rendu devant le ministère japonais des affaires étrangères mais il a été bloqué devant l'entrée du ministère face aux micros et caméras des médias. 

Une redoutable perte de face infligée au populiste président sud-coréen par qui le scandale est arrivé. A l'origine, le président Lee déclarait que l'Empereur du Japon Akihito ne pourrait venir en Corée du Sud que s'il s'excusait pour les atrocités commises par les forces d'occupation japonaises durant la colonisation par le Japon. La Corée semble oublier qu'en 1990, Akihito a exprimé "ses profonds regrets et ses excuses sincères" pour les souffrances du peuple coréen pendant la colonisation. Message simple et sincère. Le temps n'est-il pas venu de regarder en face et de réfléchir en commun aux manquements des règles de droit et sur les avoirs disparus par temps de guerre ou même lors de l'occupation par les forces alliées sous Mc Arthur. 


Dans la lettre remise à l'ambassade de Corée du Sud à Tokyo pour le président Lee, le Premier ministre japonais Yoshihiko Noda lui demandait de présenter ses regrets à la fois pour le déplacement sur les îles et ses propos à l'égard de l'empereur. Le Japon veut présenter le dossier des 
Takeshima-Dokdo devant la Cour Internationale de Justice, la Corée du sud refuse. Personne ne semble capable de négocier le moindre accord. Cela pourrait mal terminer d'autant que les nationalistes des deux pays soufflent sur les braises... 


Dépasser le Japon

Les nations d'Asie, Chine en tête, ont décidé dans les années 80 d'atteindre ou de dépasser le niveau de développement scientifique et économique du Japon. Elles ne vont pas flancher. Elles recourent aux politiques populistes et créent des querelles entre nationalistes, arme de propagande à manipuler avec prudence.

Au Japon les nationalistes sont actifs et organisés, c'est le cas de ces groupes agissants, férus des thèses de l'extrême-droite d'avant-guerre, ce sont les "Net Uyoku" ネット右翼, alarmés
 par la politique, l'économie ou... par la télévision, et furieux lorsqu'ils perçoivent que les intérêts vitaux du Japon sont menacés. Parmi eux des membres des syndicats criminels Yakuza: "On les utilise parfois, ils sont souvent d'origine coréenne d'ailleurs" me déclarait l'un d'eux lors d'une longue enquête. Ces "Net Uyoku" ont manifesté durant des mois contre des chaînes de TV japonaises diffusant des "soap-opera" coréens ou chinois. Ils manifestent sans relâche (mais incapable de réunir autant de manifestants que lors des gigantesques rassemblements anti-nucléaires de Nagatacho et Yoyogi) avec ces litiges territoriaux des mers de Chine. Leur ligne politique est ultra conservatrice, nostalgique d'un Japon d'avant guerre. Nostalgiques ou en devenir? Ils parlent parfois de faire un coup d'Etat! Ils sont présents dans tous les recoins de la société, des partis aux forces d'auto défense, dans l'administration, l'industrie ou l'enseignement, des religieux du shintoïsme leur acheminent des soutiens financiers non imposable! Je reviendrais un jour sur tout cela...

Quelles îles réclament ils au fait? Quelques-uns des 30.000 rochers et îlots perdus dans les mers de Chine, les Senkaku-Diaoyu, et plus loin les rochers de Takeshima-Dokdo en mer du Japon (mer de l'Est en Coréen) avec cinq petites îles et trois rochers. Il y a aussi les Paracels et les Spratleys en mer de Chine méridionale. La rivalité s'intensifie entre la puissance chinoise et ses "vassaux" régionaux, car ces îles recèlent du pétrole, du gaz et la plus grande ressource halieutique de la région. Toutes ces îles se situent sur la route maritime d'un tiers du trafic mondial. Toutes ces îles sont riches aussi et surtout en étendue de territoires maritimes qui augmentent les frontières et les zones économiques. Ces îles des mer de Chine sont riches en terme d'influence politique. C'est le plat de résistance des nationalistes de l'Eté 2012.


Pourtant, la réponse de Washington n'a pas tardé à la suite de ces querelles territoriales. Les responsables américains de la défense déclarent qu'ils vont accroître le développement de leur bouclier antimissile en Asie, en réponse "aux menaces de la Corée du Nord et de la Chine." Cela pourrait inclure un nouveau radar dans le sud du Japon et en Asie du Sud. Les radars en bande X seraient reliés à des navires intercepteurs. Un strict plan de défense précise Washington, "aucun missile ne sera lancé en premier par les Etats Unis." Ce plan est évident et il s'inscrit dans la stratégie de l'administration Obama d'expansion vers l'Asie-Pacifique, région cruciale pour l'économie américaine après une décennie de guerre en Irak et en Afghanistan.


Dans ces conditions, avec ces conflits récurrents et ce manque de volonté et d'imagination politique des pays d'Asie, malgré des formules mathématiques alambiquées comme "Asean + 3" et d'autres plans dépourvus de réalisme, force au constat, celui d'un déficit des "valeurs communes asiatiques" et d'absence d'un outil de travail commun pour fédérer toutes ces nations d'Asie à la différence de ce que l'Asean a fait recourant à une "diplomatie douce et harmonieuse".


Auraient-elles imaginé une autre forme de développement, les riches nations d'Asie pourraient ouvrir de nouveaux chapitres de leur histoire. Quels leaders historiques sauront créer cette Asie et quand? Lee Kuan Yew a fait long feu, Mahatir idem. Lee, Hu et Noda vont passer la main. Aucun dirigeant historique Coréen, Chinois ou Japonais n'est en mesure de répondre au exigences du monde hostile et de sceller les premiers traités d'unité régionale. Un "problème de diversité culturelle" me disait de son vivant l'ancien premier ministre japonais Ryutaro Hashimoto. 



"Economie oui, politique non!"

Pourtant, la coopération régionale privée existe et s'intensifie. La finance régionale est en marche, Chine et Japon sont les poids lourds de l'Asie et coexistent avec leurs industries dépendantes les unes des autres. Je ne vois pas aujourd'hui de crise insurmontable avec des soldats en marche dépêchés sur le front ou sur les océans. Je ne vois pas de départs des populations chinoises, coréennes ou japonaises de leurs pays vers des zones de refuges, je ne vois pas de fermetures d'usines, ou l'effondrement des économies. Le risque de radicalisation apparaît plus aujourd'hui comme une expression des perdants de cette modernisation des économies. 


La part belle est faite aux créateurs et aux bâtisseurs, l'impact est rude pour ceux qui n'y ont pas été préparés. Ces manifestations nationalistes sont par conséquent encouragées ou tolérées dans un cadre bien défini, à but de politique intérieure. Elles montrent une puissance de mobilisation mais pas de critiques violentes ou "d'anéantissement" des politiques nationales. Au contraire Chine et Japon mobilisent facilement leurs "activistes", on voit des chinois briser des voitures et des restaurants japonais, on voit des coréens lancer des projectiles contre l'ambassade du Japon de Séoul, on voit des japonais hurler contre Chine et Corée en défilant au coeur même de Tokyo, sur la Ginza.  

Au final, ce que je vois, ce ne sont que des mouvements d'ambassadeurs et un téléphone diplomatique qui fonctionne encore assez mal entre puissances régionales,  et puis un gendarme, les Etats-Unis, qui sifflera la fin du match. Ce que je vois d'Asie de l'Est ce sont des imitations des modèles de développement du Japon des années 60. Les deux problèmes émergents concernent davantage les acquisitions et les ventes de technologies. De cela je ne m'inquiète pas non plus car l'Asie renoue avec ses traditions millénaires. 

En revanche je m'inquiète des approvisionnements énergétiques, d'autant que la catastrophe nucléaire de Fukushima (et la contamination de la nature et des produits alimentaires de certaines régions et littoral du Japon) obligent dorénavant les gouvernements de la région à exercer un maximum de prudence pour préserver leur sécurité énergétique. Le Japon n'est pas transparent. Il agit avec prudence et n'a pas confiance en ses voisins. 

Plus qu'une insularité typique, c'est une méfiance de l'étranger, quasi xénophobe, poussée au paroxysme et instrumentalisée. Le marché du travail est fermé, les appels d'offres sont protégés et offerts aux firmes nationales, la libre entreprise est une interprétation, des mots mis en avant pour "faire semblant" d'être une grande nation ouverte au commerce comme les autres du G8.  Beaucoup au Japon en souffrent, l'archipel entreprend depuis plus de 40 ans une marche forcée qui l'a conduit au 3e rang économique mondial. Bravo! A quel prix! 

Des générations de salariés sacrifiés, exploités et "jetés" quand vient l'âge de la retraite. IL sera bientot reculé à 65 ans. Avec l'obligation de vieillir et retravailler (les japonais adorent le travail c'est exact mais parce que le loisir est quasi vu comme un péché, un acte antisocial) pour compenser une retraite défaillante dans un système social qui ne fait la vie belle qu'aux riches! Une maison de retraite c'est de 20 a 30 millions de Yen de droit d'entrée, et 1000 $ par mois minimum par personne. Les familles doivent vivre avec 3 générations sous un même toit, mais les rapports sociaux ont changé plus encore depuis les années des films d'Ozu. Habitations petites, violence des rapports sociaux, du stress quotidien, on a beau être Zen, la santé... au Japon est une pratique "aléatoire", les maladies psychologiques envahissent les pages des magazines nippons. 

A ce propos le Japon se prépare, depuis que le "nettoyage" de Fukushima a commencé, à une catastrophe sanitaire. Des maladies du travail en milieu nucléaire apparaîtront dans 5, 6, 7 ans? La médecine japonaise est bien silencieuse, silence douteux, depuis le 11 mars 2011. "Au commencement était l'inceste..."

La Chine, elle-même, est elle suffisamment transparente et comptable ("accountable") pour garantir qu'une réponse appropriée sera offerte en cas accident industriel du genre de Fukushima? Les infrastructures chinoises sont-elles suffisamment solides? Transports, réseaux ferrés à grande vitesse, parc industriel, approvisionnements, santé? J'ai le souvenir de ces ciments fragiles enfermant les réacteurs de la première centrale nucléaire chinoise de Daya Bay dans le Guangdong. L'avarice des sous-traitants et l'absence de contrôle des autorités chinoises m'avaient été rapportés par les industriels français du nucléaire. Les avarices des constructeurs ont-elles disparues, la construction mieux réglementée?


Certes "les interdépendances économiques et la soif du bien-être jouent un rôle, et les preuves sont nombreuses d’une séparation en Asie de l’économique et du politique," dit un récent rapport de l'Irsem (Ministère français de la Défense). C'est le "crédo" nippon depuis les années 60: "La diplomatie économique." 


On le voit,  la tension récurrente des mers de Chine fait partie de ce grand "Lego géostratégique" qui se met en place devant nous, sans commune mesure avec l'Asie d'hier. Pour soutenir ce développement asiatique, on va devoir réinventer les formes de coopération et de pouvoir, responsabiliser les Etats impliqués, les relations de travail, les projets, et en créer de nouveaux, vite. Fini le temps des conseillers politiques émissaires des grandes puissances ayant résidence dans les antichambres des pouvoir Pékinois, Séoulites ou Tokyoites!





Prochain chapitre: "Une étincelle pour que l'Asie explose?"


Creative Commons License
Asian Gazette Blog of Joel Legendre-Koizumi is licensed under a Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 Unported License.

1 comment:

Be nice and informative when you post or comment.
Thank you to visit Asian Gazette Blog of Joel Legendre-Koizumi.