La population chinoise vit encore au rythme de la souffrance
Cette affaire du prix Nobel de la paix accordé vendredi depuis Oslo à un dissident chinois, Liu Xiaobo, est une opportunité pour le pouvoir chinois qui doucement, lentement, glisse vers la notion de démocratisation à la chinoise. Au sein même des opposants chinois, tous ne partagent pas le même enthousiasme que les membres du Comité du Nobel.
Wei Jinsgsheng qui a "séjourné" près de 20 ans en prison en Chine pour avoir demandé la 5e modernisation, "la Démocratie", ne s'est pas privé de traiter Liu de "collaborateur" du régime chinois. Pour Pékin, Liu et son Nobel est une mouche écrasée d'un revers de la main. Il n'y aura pas d'aventurisme avec ce Nobel de la Paix ignoré en Chine comme dans la plupart des pays asiatiques, mais le pouvoir répondra par une ligne politique droite comme une avenue pékinoise. Ce pouvoir vit des rivalités et il donne de la vie en Chine l'image souffrante d'une extrême difficulté d'être, en particulier chez la jeunesse.
Pourtant, à qui veut les lire, des signes évidents d'un remue ménage au plus haut niveau du pouvoir chinois sont peu à peu révélés par les médias chinois et les blogs qui perlent la toile de sursauts réconfortants malgré les censures et la férocité de la répression dans un pays qui n'a pas ré-inventé sa liberté depuis 1949.
Mais si Pékin n'a pas réagit avec force, c'est aussi parce que en Chine même, ce Nobel de la Paix répond fondamentalement à des exigences, à l'air du temps qui souffle sur l'empire du milieu. Lors du 30e anniversaire de l'ouverture de la zone économique spéciale de Shenzen, le 26 août dernier, Wen Jiabao, a prononcé un discours inattendu dans lequel il affirmait la nécessité pour le régime de poursuivre la réforme du système politique. Cette prise de position s'inscrivait dans la ligne de ce discours qu'il avait donné à l'université de Pékin en mai dernier, lors des célébrations du Mouvement du 4 mai, et d'un éloge très appuyé en avril de Hu Yaobang, ancien numéro 1 du Parti Communiste Chinois(1982 -1987).
Depuis, la presse chinoise ne laisse plus une journée sans que des allusions et commentaires apparaissent sur les vues réformatrices de Wen. Exemple dans le quotidien du sud de la Chine Xiaoxiang Zaobao: "... si le système politique n'est pas réformé, la modernisation ne pourra pas réussir, la poursuite de la croissance économique est alors conditionnée à la réforme politique, même si celle-ci demeure encore imprécise et fugace..." Pas commun de lire des phrases dont beaucoup ont rêvé dans ce grand pavillon rouge. La presse chinoise, protégée par de puissants personnages, se lâche de plus en plus fréquemment.
Wen Jiabao
Le fait est établi qu'au plus haut niveau de la politique chinoise, les signes d'une transformation de la vie politique sont avancés, sans pour autant en assurer les contours ou les recettes.
On se souvient du télégramme d'appel à la paix de l'Empereur du Japon HiroHito adressé aux Etats-Unis, information restée secrète durant des décennies, avant que les Soviétiques n'entrent en guerre avec le Japon. La réaction de Washington avait alors été de bombarder Hiroshima (Uranium) et de renouveler sur Nagasaki (Plutonium) devant un Japon exsangue, en guise d'avertissement au "père Joseph" [Staline]. Confirmation faite de sources autorisées d'Hiroshima.
Aujourd'hui les signes d'une modernisation nécessaire conduite en parallèle aux progrès miraculeux de l'économie chinoise requièrent quelques encouragements, et ce malgré les coups de mentons de la propagande chinoise vitupérante et menaçant à présent la Norvège de possible (répétons, "possible") représailles.
Rien de plus encourageant pour les modernisateurs chinois en lutte face aux conservateurs du régime! Un mouvement ininterrompu dans la continuité depuis la Chine du XXe siècle pas mécontente de nos jours qu'un geste aussi puissant accorde "très politiquement" un Nobel de la Paix à Liu Xiaobo.
Ce qui, symboliquement, revient à exprimer aux autorités et à l'opinion chinoise que le droit à la critique est un droit fondamental pour permettre au(x) pays et aux citoyens d'avancer sur la route du progrès politique, y compris en Chine (progrès jusqu'alors dicté mot à mot par les caciques du PCC), du progrès social, économique, culturel, artistique, numérique, de la lutte contre la corruption...
Un message attendu par ceux et celles en Chine soucieux d'exercer des droits politiques autres que ceux imposés par la seule volonté d'un parti unique, matrice des réformes et du "prêt a penser" modèle "Mao 49 réformé Deng 79."
Ainsi, un petit sondage, avec des sources chinoises occupant diverses fonctions à divers échelons de la grande nation chinoise, me laisse entendre qu'elles ne sont pas toutes mécontentées par cette "annonce surprise du Nobel de la Paix à un dissident chinois" car me disent-elles "c'est ainsi que la révolution chinoise s'est affirmée" en luttant contre les dynasties impériales corrompues et les invasions étrangères dont françaises, britanniques, japonaises, russes. Naturellement c'est la question de la réforme politique, moteur au décollage de la Chine comme la grande puissance économique du 21e siècle moins que politique, qui demeure aujourd'hui l'un des grands thèmes d'action en préparation du 12e Congres du PCC en 2012.
C'est ici que 3 "factions" s'opposent: les militaires, le parti, les financiers issues de l'appareil du parti auxquels il faut ajouter des éléments encore flous mais primordiaux, des provinciaux avec les grandes rivalités régionales et les école historiques, école de Shanghai de Jiang Zemin par exemple.
Wulingyuan, Hunan, 3 000 pics de grès à quartzite, torrents, gorges, étangs
Lorsque l'ingénieur Wen Jiabao a questionné le système et lancé son appel "Zhengzhi Tizhi Gaige", il a ouvert, lui, le premier-ministre, la voie aux réflexions d'une possible évolution, répétant ainsi des messages de prédécesseurs tel Hu Yaobang, Deng Xiaoping, Zhu Rongji. Un sentier qui ne souffre désormais aucune interruption mais des accommodements qui seront dictés impérieusement et exclusivement par la Chine, à son rythme et selon son bon plaisir. De quoi déplaire aux va-t-en-guerre de tous poils.
Un enjeu dont le Japon économique et politique en comprend aujourd'hui encore toutes les facettes. Preuve que le dialogue et la confiance continuelle demeurent entre les 2 géants asiatiques? En pleine crise d'urticaire sino japonaise dite des Senkaku Daioyu qui a vu les Etats Unis souffler le chaud et le froid sur l'actuel premier ministre Kan et son imprudent nouveau ministre des affaires étrangères Maehara, c'est le numéro 2 du gouvernement, le Chief Cabinet Secretary monsieur Sengoku qui a négocié avec Pékin. Il a préparé la rencontre avec les chinois, 25 minutes à Bruxelles lors de l'ASEM, en la personne du conseiller d'Etat chargé des Affaires étrangères de la République populaire de Chine (rang de ministre) monsieur Dai Bingguo.
Rencontre inespérée alors qu'un certain machiavélisme politico-médiatique s'était mis en route depuis Washington avec ces quelques "haineux théologiens du temps"qui l'emportaient sur le réalisme dans cette délicate adaptation politique chinoise de la Dynamique du Pendule.*
Reste à voir ce que Pékin va dévoiler de ses intentions lors des prochaines réunions à Hanoi, berceau des farouches luttes d'indépendances asiatiques, de l'Asean +3 et du Sommet de l'Asie Orientale (East Asian Summit), du 25 au 30 octobre.
Cela dit, inconditionnel du droit à l'expression et de l'Etat de droit, AG réclame la libération de Liu, et je me demande à présent si ce post sera lisible et accessible en Chine Pop. Donc fidèles lecteurs, à vos stats'!
Mt.Taishan, dans la province du Shandong
*"A chaque oscillation, le pendule repasse exactement par sa position de lancement qui est aussi sa position d'équilibre". C'est la théorie du physicien français Jean Bernard Léon Foucault.
Sources: Traduction de l'anglais d'un "papier" du reporteur.
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